Alors que la plupart des entreprises font le choix d’isoler le digital dans une direction dédiée afin d’accélérer leur transformation, il est intéressant de se pencher sur l’évolution des directions historiques de la communication et du marketing. Le digital bouleverse ces métiers et impose aux directeurs de se réinventer. Quel est le nouveau directeur marketing et communication à l’ère du digital ? Quels sont les paradigmes remis en questions ? Quelle est l’organisation idéale ?
Les directions digitales ont vu le jour uniquement pour accélérer la transformation digitale des entreprises, pour compenser l’immaturité digitale des directions historiques de la communication et du marketing (et de l’IT), parce que ces directions n’ont pas été capables de se réinventer, et de prendre assez vite le virage du digital. A vrai dire le CDO (Chief Digital Officer) est un poste d’interim qui disparaîtra le jour où le digital aura été complètement assimilé par les autres directions.
Alors responsables communication et responsables marketing, quel est votre nouveau métier ? Comment le digital vous impacte-t-il ? Cela peut se résumer en 3 points :
- La technicité : le digital offre une panoplie d’outils et de techniques que vous devez vous approprier. Vous n’avez d’autre choix que de développer une appétence pour la technologie afin de comprendre et utiliser ces outils et les placer au cœur de votre stratégie et non pas en périphérie comme un gadget à la mode. DMP, CRM, CMS, EMS (experience management system), marketing automation, botchats, médias sociaux, SEO, ASO (App Store Optimisation), social selling, e-commerce…
- La temporalité : le digital révolutionne le rapport au temps. Vous devez apprendre à travailler essentiellement sur le temps réel et oublier les plans marketings et plan média figés. L’heure est à la réactivité et à la proactivité, et même au trading ! Vous devez donc privilégier les solutions d’automation et de live monitoring : des tableaux de bord décisionnels en temps réel pour prendre rapidement des décisions et des outils et des process plus agiles et plus automatisés pour que vos décisions soient rapidement effectives.
- Le ciblage : fini la communication de masse, avec le digital vous passez au one-to-one, à l’ultra-personnalisation et au ciblage comportemental. Oubliez les catégories socio-professionnelles et les sociostyles, la notion de catégorie dans votre ciblage n’intervient qu’en amont, en phase de conception/ de set-up, avec notamment des outils de rationalisation comme les personas. Ensuite vous ne travaillez plus sur des catégories mais sur des scénarios, et il n’y a plus de groupes mais des cohortes !
Marketing & digital : du produit à l’expérience client
Le mix-marketing créé dans la période de l’après-guerre a été tordu dans tous les sens par les experts pour passer successivement des 4P (Produit, Prix, Place-Distribution et Promotion) aux 5P, puis 6P puis 10P (Produit, Prix, Place-Distribution, Promotion, Personne, Processus client, Preuve, Partenariat, Permission, Pourpre) puis 12P et même aux 4C (Convenience of Buying, Customer need, Cost to satisfy, Communication)… Quoiqu’il en soit, le mix-marketing existe toujours mais il s’est progressivement défocalisé du produit, de l’entreprise et de ses processus pour se centrer sur le client et son expérience et ses propres processus. Et c’est là la vraie révolution : le directeur marketing devient le directeur de l’expérience client.
Ainsi le directeur marketing a toujours la mission de faire évoluer l’offre de l’entreprise pour son marché, d’adapter l’offre à la demande mais il étend son spectre de travail du produit à l’expérience client (l’expérience client inclut naturellement le produit/service) et pour cela il utilise des outils d’UX design, des outils digitaux de co-création, d’analytics…
Les équipes marketing doivent donc monter en compétences en UX design, en data analyse et en lean start-up. Le rôle du responsable marketing à l’ère du digital est désormais de concevoir et de piloter des expériences clients, de faire évoluer l’offre de produits et services au plus près des usages et besoins de ses clients en s’appuyant sur l’analyse de données temps réelles.
Communication & digital : de la pub au storytelling
Puisque depuis des années la publicité classique perd de son efficacité, puisque les consommateurs, plus avertis, et noyés par les messages, sont de plus en plus hermétiques aux mécaniques habituelles de promotion, le directeur de la communication doit noyer ses objectifs opérationnels et intéressés (promotion, notoriété…) dans une stratégie bien plus large, plus généreuse et moins intéressée. Il doit offrir à ses publics des contenus, des expériences pour capter leur attention, leur fidélité, leur « temps de cerveau disponible » et espérer les convertir en client. De la production de messages promotionnels auto-centrés, il passe à une production de contenus et d’expériences centrés sur le client, des contenus gratuits avec pour autant une véritable valeur ajoutée pour le client. Pour cela, il doit donc connaître parfaitement ses publics (grâce à l’analytics, au big data), les écouter (grâce aux médias sociaux) et être capable de leur adresser des contenus personnalisés (grâce aux outils digitaux).
Les équipes de communication doivent donc monter en compétences en brand content, storytelling, data analyse et community management. Le rôle du responsable communication à l’ère du digital est désormais de construire et alimenter des contenus de marques, créer des histoires et des expériences et animer des communautés. Il alimente ses publics de contenus intéressants, ciblés et personnalisés, pour capter l’attention et finalement pousser l’information intéressée au bon moment.
En conclusion
Le maître mot de la révolution digitale dans le domaine du marketing et de la communication, c’est « expérience » :
- Côté communication, vous capter l’attention en créant des expériences mémorables (à minima des contenus).
- Côté marketing, vous ne proposez plus un produit mais une expérience à vos clients.
Et vous aurez atteint l’excellence quand vous aurez réussi à créer une expérience seamless, unique, fluide, mémorable, de bout en bout, de l’acquisition du client à l’utilisation de votre produit.
Crédits photos // Compositions à partir de photos originales de Daniel Go et Thomas Hawk
Merci Laurent. Je me pose quand même une question. En tant que consultant, nous proposons souvent à nos clients d’avoir ce type de démarche. On nous oppose toujours la même question : où est le ROI ? La création de vraies expériences coûte cher, sauf à avoir des équipes internes hyper motivée parce que le produit/le combat de la marque est sympathique/inspirant — ce qui n’est, hélas, pas le cas de tous les annonceurs. Quand je vois par exemple le coût d’une stratégie de qualité sur les médias sociaux, intégrant par exemple des vidéos exclusives émotionnelles sous-titrées DE QUALITÉ plus les investissements nécessaires pour les pousser… et que, sur un plan plus abstrait, je constate que ce n’est jamais que du « vol » de temps et de cerveau disponible avec une VA onthologique faible ou nulle, et qu’enfin beaucoup des investissements profitent à Google et Facebook… et bien je me dis que c’est sans doute le sens du mouvement, mais peut-être aussi une forme d’illusion collective. Suis-je devenue réac’, doc ?
Très bonne remarque. C’est en effet le point bloquant. Je crois que ce genre d’organisation/stratégie peut assez facilement être mise en place chez les pure-players. Si toute ton activité est centrée sur un site e-commerce, tes pistes de développement et d’optimisation vont vite se tarir. Tu peux multiplier les promos, toujours faire évoluer l’UI pour maximiser le taux de transformation et dans le fond faire évoluer ton offre. Mais la vraie marge de manœuvre réside dans l’expérience utilisateur globale. J’imagine qu’il est, dans ce cas-là, plus simple de se transformer.
A l’opposé, si tu es dans une grande structure avec une certaine sécurité de revenu sur ton core-business, tu peux également facilement activer ce genre de stratégie.
Le problème que tu soulèves est pour toutes les autres structures où ton quotidien est complètement focusé sur la maximisation à court terme de ton ROI. Je vois bien de quoi tu parles :-)
Pour ces configurations-là, il est possible que le management de l’expérience client globale reste pour toujours une utopie… sniff